Tout quitter (2)
J’aimerais aimer de toute mon âme, mais je la cherche encore, mon âme… J’ai des souvenirs un peu partout, comme autant de petits morceaux de moi éparpillés, pulvérisés dans un rayon de 500 kms. On en entasse quand même des jolies choses au fond de vieux meubles ou au fond de notre mémoire quand la solitude nous presse et nous pousse à combler par des artifices les rêves que l’on avait en tête. Je crie ton nom David, comme si tu allais pouvoir m’entendre, et venir me prendre dans tes bras. Il est 1h10. J’ai attendu le dernier moment pour les cartons. Dans 7h, je déménage. Je me sens amoureuse sans pour autant savoir de qui ou de quoi. Certainement plus de toi en tout cas… depuis le temps ! Depuis le temps que je n’ai pas réussi à te remplacer, oui ! Je ne vais pas pleurer : c’était ma décision. Je pense à tout ce qui m’attend là bas. Et si rien ne m’attendait ? Et est-ce vraiment possible que toute ma vie tienne dans quelques cartons ? Et si le bonheur était de ne rien avoir, de ne rien désirer ? Oui, ne rien désirer, simplement se laisser porter. J’étais jeune et jolie, je deviendrais vieille et aigrie avant que le temps ne m’ait fixée quelque part. Je regarderais derrière moi, et je comprendrais que mon temps s’est perdu à papillonner, à droite, à gauche, à toujours aller voir ailleurs si l’herbe sera plus verte. Si j’étais certaine que l’avenir me voit devenir vieille, je poserais mes bagages. Au lieu de ça, je prie pour mourir avant d’avoir réalisé que je n’ai rien construit. Je veux vivre vite, voir, découvrir, explorer les paysages, les sentiments. Je suis ce genre de personne pour qui « tout » ne serait jamais encore assez. Certains diraient que j’ai le goût de l’absolu.
Les sentiments qui m’animent dépassent la seule mélancolie, ce soir. Un mélange étrange de nostalgie et de curiosité. Je suis heureuse, plus qu’heureuse, mais je ne le sais pas encore. Probablement que je le comprendrais dans quelques mois quand je déciderais encore une fois de casser ma nouvelle routine. En attendant, je me surprends à rêver du tournant que va prendre ma vie. Retour aux sources : à trop vouloir faire la belle, on en perd son identité. J’ambitionne un peu plus de simplicité, de petits plaisirs à partager. Reste plus qu’à trouver des volontaires. J’ai aussi quelques projets à faire mûrir, cet été et moi-même : j’ose croire que je ne suis pas encore parvenue au meilleur de moi.
Il n’empêche que c’est dur ce soir. David. Je te murmure comme une incantation. Une vague nausée me prend l’âme, et blesse un peu mon cœur au passage. J’ai mal au cœur, et j’ai mal dans le cœur. Mais je n’ai rien à regretter de tous ces déménagements, sans eux, je ne t’aurais jamais rencontré.
Et si je décidais d’oublier mon cœur, de le laisser là ? Il est déjà encartonné : je n’ai même pas eu le temps de le déballer depuis que je t’ai quitté, mais ici, il sera toujours plus près du tien que là où je décide d’aller. Je l’avais soigneusement rangé entre les souvenirs de nous et cette peluche que tu m’avais offerte et que je trouvais tellement ridicule. L’oublier serait un acte manqué.
Je ne sais pas si ça s’oublie un cœur, mais en tout cas, ça se crève.
Je m’étais promise de revenir. J’aimerais avoir le don d’ubiquité et pouvoir retrouver tous ces lieux que j’ai aimés… Au lieu de ça, je préfère continuer à découvrir d’autres villes dont je tomberais encore amoureuse. Je me demande parfois jusqu’où le vent me portera et si un jour je te retrouverais. Qui sait ? On s’aimait quand même, ce n’était pas rien. J’aimerais savoir ce que tu es devenu mais puisqu’on a décidé de rompre tout contact pour que la séparation soit moins difficile…
2h30. Les insomnies sont mes plus fidèles amies. Il serait temps que je mette un terme à mes rêveries et que je continue les cartons mais je n’en ai pas vraiment le cœur. L’absence d’explication claire nous a empêchés de prendre conscience que notre séparation était belle et bien réelle. Notre histoire n’est pas finie ou plutôt si, mais la fin reste ouverte.